Cap sur le changement

Appréhension. Je me demande comment commencer ce texte. Comment trouver les mots après tout ce temps passé sans en écrire un seul sur ce journal. Sans en écrire tout court en fait. Même mes cahiers, gribouillés de poèmes, d’états d’âme et d’idées vagabondes, s’ennuient de n’être touchés depuis des mois. Enfin presque. Pour être honnête, il m’est arrivé à plusieurs reprises d’écrire quelques lignes sur des choses que je ressentais, mais tout bougeait tellement vite dans ma tête que j’abandonnais rapidement ma réflexion. Ce texte, d’ailleurs, aurait pu connaitre le même sort. Des jours que j’écris, que j’efface et que j’y reviens. Mais j’ai envie d’aller jusqu’au bout, comme pour clôturer quelque chose. Et en amorcer de nouvelles.

Si je vous demandais ce que vous pensez de moi, vous répondriez quoi ? Souvent, on me voit comme une meuf cool et sympa, toujours dynamique et souriante, qui ne se prend pas la tête, et qui doit certainement être agréable à vivre. Peut-être que vous ne pensez pas ça du tout en fait. Mais si c’est le cas, laissez-moi s’il vous plait, détruire en mille morceaux cette image idéalisée de ma personne (bon peut-être pas la détruire mais au moins l’égratigner un peu allez).
Non pas que je ne sois pas sympa du tout, je pense quand même avoir quelques belles qualités, mais c’est important de se voir tel que l’on est vraiment, au-delà des apparences et du rôle social que l’on se construit. Je suis consciente de mon fonctionnement et je suis capable de regarder la part d’ombre en moi, même si, clairement, c’est inconfortable.
Quand on me connait suffisamment, qu’on devient plus proche de moi et qu’on réussit à franchir les barrières de ma parfaite sociabilité, on peut voir une Sarah un peu différente. Je dois dire que quand je sens qu’une personne m’aime, je laisse tomber certains filtres et je m’autorise des choses que je ne ferais pas dans des relations moins intimes. Je ne vais plus m’attarder ici sur mon besoin exacerbé de reconnaissance j’en avais déjà parlé dans d’autres textes (notamment celui sur les réseaux sociaux) mais je dirais juste que je ressens toujours cette peur quasi viscérale de ne pas être aimée, de ne pas compter, de ne pas être spéciale aux yeux des autres. Je veux être parfaite, même si je sais pertinemment que ça n’est pas possible, ni vraiment souhaitable en fait. Et dans cette quête permanente pour briller, je me sens sans cesse dans une sorte de compétition avec les autres, avec ce qu’ils vivent, ce qu’ils sont. Je ne peux pas m’empêcher de me comparer, et bien souvent de me dévaloriser parce que je n’aurai retenu que ce que je perçois comme « manquant » dans ma vie. Parce que malgré les apparences, je n’ai pas toujours confiance en moi (c’est surtout très fluctuant, dans certaines situations je me sens puissante, dans d’autres je me sens « pas assez »). Et ça, je me rends compte que c’est vraiment la base de mes soucis.

J’ai dit que je ne m’étendais pas là-dessus mais clairement les réseaux sociaux ne sont pas nos amis, certainement encore moins pour les personnes comme moi. Ils en ont l’air parce qu’ils donnent cette dose instantanée de reconnaissance, de validation, d’interactions dont on a besoin mais ils génèrent en contrepartie tellement de mal-être en nous, entre comparaison, envie, culte de l’image et perte de confiance en soi, sans parler de notre incapacité à vivre dans l’instant présent, à vivre pour nous et pas pour le regard des autres. Alors forcément ça n’aide pas à trouver un équilibre et à combler ce vide que je peux parfois ressentir. D’autant plus que je me pose toujours dix milles questions. Overthinking comme on dit en anglais : je pense trop et tout le temps. Un seul détail ou pensée, même infime, et voilà que mon esprit s’embarque dans un labyrinthe de scénarios catastrophes où tout est surinterprété, anticipé et inévitablement douloureux. Je suis incapable (dans mon esprit en tout cas) de me laisser aller, de vivre l’instant présent et de simplement profiter des bons moments. Ou alors peut-être à partir de trois verres de vin ok. Mais ce n’est pas une solution à long terme vous en conviendrez.

Le second point qui se trouve souvent à l’origine d’une situation de mal-être : je vis toujours dans l’attente. Sur comment les choses doivent se passer, sur comment les gens doivent agir. J’ai envie de tout contrôler, les situations et par extension les gens, pour que tout corresponde toujours à ce que je veux. J’ai tellement peu eu l’habitude qu’on me dise non, que je me suis toujours construite à travers mes envies, comme si tout m’était dû. Et forcément quand ça ne se passe pas comme je veux, je perds pied, je me sens frustrée, triste, en colère. A l’image d’une enfant qui ne voit pas son caprice assouvi.
Quand ça ne va pas (parce que les choses ne se passent pas comme je les attendais, parce que quelque chose m’a touché, parce que j’ai l’impression d’avoir des tas de choses à faire et que je n’y arrive pas ou même juste parce que je me suis réveillée en ne me trouvant pas jolie), je m’enferme dans une spirale de négativité : je râle, je deviens susceptible, je fonds en larmes, je suis sur la défensive voire agressive, ou je peux aussi tout simplement me mettre en retrait, comme si je déconnectais de la situation en cours. Je rumine sur ce qui ne va pas, je ressasse encore et encore les mêmes choses dans mon esprit et je fais payer ma mauvaise humeur aux gens qui m’entourent.
Longtemps, j’ai mis l’étiquette de « sale caractère » sur tout ça. Mais c’était plus que ça en fait.

Après une introspection profonde et douloureuse, bien que nécessaire, je me dis que c’est la dernière fois que j’écris – ou du moins publiquement – là-dessus. « Là-dessus », oui. Pas forcément sur ce que je ressens mais sur tous ces schémas internes qui dysfonctionnent et qui m’empêchent d’être heureuse. Ça fait maintenant quelques années que je comprends mon fonctionnement, que j’y ai mis des mots. Mais pour la première fois, je comprends surtout que je ne peux pas simplement m’analyser d’un regard presque fataliste. Trop souvent j’ai tendance à me dire que je sais comment je suis. Que je ressens plus fort et que je suis capable de mettre des mots sur ces ressentis. Que je connais mes réactions, qu’elles sont disproportionnées et que souvent je suis trop impulsive. Je connais aussi la vague d’émotions et de pensées qui s’abat sur moi dans ces moments-là, j’en comprends bien les tenants et aboutissants (même si je n’en suis pas toujours consciente sur l’instant) mais je la laisse me submerger, entièrement. Et j’attends que ça passe. Jusqu’à la prochaine vague. Un schéma que j’ai répété encore et encore. Jusqu’au déclic. Celui qui me fait me dire aujourd’hui : « Stop Sarah, ça ne peut plus continuer comme ça ».
Je ne m’attarderai pas sur l’élément déclencheur mais plutôt sur ce que cela a presque instantanément produit chez moi. D’un coup, j’ai pris conscience du poids de mes comportements « problématiques ». Toute la honte et la culpabilité me sont revenues dans la figure avec une puissance décuplée. Je me suis rendu compte que ma manière d’être et d’agir avait pu faire souffrir les gens qui m’aiment, et m’empêchait aussi tout simplement d’être heureuse.

Transformation

Ce qui est certain c’est que je ne peux pas changer le fonctionnement de mon cerveau d’hypersensible, je suis ainsi faite. Je ressens tout plus fort. Les émotions sont là, mais je peux modifier ce que j’en fais. Jusqu’à présent, avant même de me laisser emporter par la vague émotionnelle négative, j’étais surtout soumise à ce qu’on appelle des « distorsions cognitives ». Je vous laisse tout le loisir de faire plus de recherches approfondies là-dessus, moi je vous dirai brièvement que ce sont des biais d’interprétation d’une situation qui génèrent des raisonnements erronés, des liens abusifs et dès lors, une perception partielle ou inexacte de la réalité. Ces distorsions cognitives, il en existe plusieurs (et je me suis rendu compte que mon esprit appliquait la majorité de ces biais, super) et elles fonctionnent comme des schémas de pensée automatique. Juste pour donner un exemple, mon esprit fait souvent des conclusions hâtives (prêter à une personne des pensées possibles/probables en se basant sur des éléments peu significatifs de son comportement ou de sa communication non verbale) ou encore du raisonnement émotionnel (croire que quelque chose est vrai parce qu’on le ressent) ou mon « préféré », de l’abstraction sélective (avoir tendance à s’attarder sur des détails négatifs d’une situation, ce qui amène à percevoir négativement l’ensemble de cette situation). En soi, tout le monde peut à un moment donné avoir ce type de biais cognitifs, le problème c’est que moi c’est non seulement très souvent mais en plus c’est exacerbé par mon hypersensibilité. Ce qui alimente mon trouble anxieux, et tous les autres éléments, dont je parlais plus haut, qui font dérailler mon esprit. Ce qui est sûr c’est que mettre des mots sur ces troubles, ça a été important pour moi. Mais plus encore, d’y faire face et d’y travailler. Une sorte de rééducation cognitive que je m’attèle à faire depuis quelques jours (oui seulement quelques jours, il faut bien un début). L’idée ce n’est pas forcément de fermer les yeux sur ce qu’on ressent et de voir tout positivement. Même si je le voulais, ce serait impossible, et puis même, ça finirait par exploser à un moment ou à un autre. Ce que j’essaie de faire c’est d’identifier et d’éliminer les fameuses pensées automatiques qui viennent me noyer dans ces vagues d’émotions et de pensées négatives qui impactent mon comportement et qui me plongent dans un profond mal-être. Je rationnalise et je relativise : « ok pourquoi je pense ça ? Est-ce que c’est bien la réalité ou juste un scénario probable, voire une vue de l’esprit ? Est-ce que ce détail qui me met en colère est vraiment si important ? Est-ce que c’est si grave s’il se passe ça ? ». Tout est décomposé, analysé et trié manuellement, là où une majorité de personnes réalise ces processus automatiquement et inconsciemment. Ça demande beaucoup d’énergie et, qu’on se le dise, je n’y arrive pas à tous les coups. Parfois j’ai besoin de succomber à la crise de larmes et aux scénarios catastrophes avant de prendre le recul nécessaire pour reprogrammer mon esprit.

Je me suis rendu compte que cette méthode, je l’ai déjà utilisée pour traiter mon trouble anxieux lié à mon émétophobie il y a deux ans (j’en parlais ici). Je suis parvenue à reprogrammer mon esprit pour ça, alors je me dis que je suis capable de le faire pour d’autres schémas de pensée automatique. Même si oui, là on parle de quelque chose qui s’est développé en moi depuis 26 ans, et donc forcément mon esprit ne se laisse pas si facilement faire… Mais je suis obligée d’y croire. Et pas que, je fais vraiment des efforts pour y arriver. Parce que je ne peux plus attendre que le bonheur vienne de l’extérieur. Il doit venir de moi, c’est à moi de décider de le vivre. Ou en tout cas de vivre tout court. Parce qu’après tout, c’est quoi être heureux.se ? Tout ce que je veux c’est pouvoir apprécier ce que je suis et ce que je vis, sans qu’il y ait toujours un « oui mais ». Mon but ce n’est pas de délégitimer ce que je ressens et ne pas être à l’écoute de mes besoins. Mais il faut être honnête avec soi-même. C’est ok d’être touché.e.s par une situation, mais après ? Si j’écoute toutes mes pensées parasites, toutes mes émotions négatives, je n’avance pas. Elles me tirent vers le bas et m’empêchent de profiter des moments que je vis. Et empêchent aussi les gens qui m’entourent de le faire. Et je ne veux plus ça. J’ai pris conscience que si l’esprit est suffisamment puissant pour me montrer le négatif et me rendre mal, il l’est tout autant pour faire le contraire. D’ailleurs, dans mon absence de nuance émotionnelle, quand je suis positive, je le suis à 100%. A la limite de l’euphorie. J’ai la sensation que rien ne m’est impossible. Même si apprendre à élargir ma palette d’humeurs pourrait être intéressant, je crois quand même que je peux m’inspirer de ma capacité à être heureuse. J’ai aussi envie de me dire que s’il y a des choses qui ne me conviennent pas, alors je dois apprendre à bouger pour les changer, et pas simplement ruminer dans mon coin en attendant que quelqu’un trouve une solution à ma place. Et si je me concentre davantage sur le positif, ça peut m’aider à me motiver et à vivre de nouvelles expériences.
Et justement, c’est le moment. Je suis à l’aube d’une nouvelle vie et d’un tas de changements qui s’amorcent bientôt. J’en dirai plus très vite (plus vite que vous ne le pensez !) mais le fait est que j’y vois un vrai nouveau départ pour moi et l’occasion d’apprendre à devenir la meilleure version de moi-même.

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