Méli-mélo d’incertitudes déconfinées

Au moment où j’écris ces mots, il est 10h et j’écoute The Cure pendant que dehors il pleut des cordes. C’est vendredi. Je crois que je précise par habitude… parce que je vous avoue que ces derniers mois j’ai la sensation que les jours n’ont plus vraiment la même importance dans ma représentation du temps. C’est comme si ce temps était totalement distordu… Mais après tout, je n’en ai jamais vraiment eu la notion. Bref. ll faut vraiment que j’apprenne à faire des intros plus courtes. Mais, vous m’excuserez, j’ai vraiment envie de parler (ou plutôt d’écrire, vous avez compris l’idée). Envie, en cette période de déconfinement progressif, de partager avec vous – même si je ne sais jamais trop qui se cache derrière ce vous impersonnellement personnel – ce qui se passe dans mon esprit en désordre. Enfin, une partie de ce qui s’y passe… gardons une part de mystère.

En général, le besoin d’écrire se manifeste chez moi quand je suis triste, mélancolique ou en colère… en somme, pas dans une humeur « pique-nique au soleil dans un champ de fleur » si l’image peut vous parler. Et précisément, ces derniers temps, mon état d’esprit nage dans des teintes qui rappellent la couleur du ciel au moment où je vous écris ces lignes. Je ne sais pas trop pourquoi, à vrai dire. Cette morosité apparait de manière aussi impromptue qu’un premier cheveu blanc ; on ne voit pas le truc se développer mais, une fois là, on ne peut pas s’empêcher de tout remettre en question. Oui j’ai décidément un faible pour les métaphores, je vous l’accorde. Le contexte actuel m’a totalement fait perdre mes repères. D’abord, parce que meuf on ne peut plus expressive, avec un masque ça devient très difficile de faire parler mon visage ; et puis moi qui suis toujours là à faire de grands gestes et à constamment toucher les gens avec qui je parle, la distanciation sociale, c’est une vraie épreuve je vous assure. Le fait est que tout ça change inévitablement notre rapport aux autres, et je peux pas m’empêcher de me poser des questions pour la suite. Les nouvelles rencontres, comment ça se passera ? Sommes nous toutes et tous condamné.e.s à avoir peur de se toucher ? Qui peut dire que le gel hydroalcoolique soit le seul fluide avec lequel il.elle ait envie de rentrer en contact ? (un peu lourde l’allusion, mais j’avais vraiment envie de la placer désolée).

J’ai l’impression que les perspectives d’avenir sont floues, abstraites. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Ce qui en soi est quelque chose qui me convient assez en général ; j’exècre la routine et j’ai beaucoup trop besoin de renouveau pour avoir un avenir tout tracé. Argh. Rien que d’y penser, j’ai des tensions dans la nuque. Mais là, je sais pas, je me sens perdue. Il n’y a que deux certitudes au fond de moi : je veux découvrir le monde dans toute la richesse de sa diversité et je veux que mes actions aient du sens pour être en cohérence avec mes idéaux et valeurs. Oui c’est déjà beaucoup. En attendant, je plane, j’erre, je m’interroge… et j’engloutis un max de bouquins et de séries aussi, mais ok c’est pas le sujet ici… Je doute beaucoup surtout. Sur tout. Et de moi parfois. Je me suis mise à la poésie depuis peu. Frappée par l’inspiration, dirons-nous. Et puis surtout par l’envie de coucher sur papier mes pensées de façon quotidienne, un peu comme dans un journal intime. Je lis beaucoup de poèmes mais je ne m’étais jamais prêtée à l’exercice. Et je dois dire que j’y ai trouvé un réconfort certain. En quelques vers, quelques rimes, la poésie permet d’exprimer une multitude d’émotions. Là où écrire comme je le fais en ce moment me permet souvent, au contraire de distiller, noyer peut-être, ces émotions dans un flot de mots. C’est précisément ce qui fait d’un poème un objet particulièrement intime, en tout cas pour moi. Si je vous parle de ça, c’est parce qu’au début je n’y voyais qu’une simple et douce source de plaisir, mais rapidement j’ai commencé à me mettre une sorte de pression absurde. Tout ça parce qu’à un moment a germé en moi l’idée d’un jour compiler toutes ces créations au sein d’un recueil. Super idée … pour une personne normale ! Moi, à partir de là, je me suis convaincue que je devais être la plus « productive » possible. Et inévitablement ça crée dans mon esprit un véritable puits de stress… Ce n’est qu’un exemple mais voilà une parfaite représentation de ma personnalité : je suis ma pire ennemie.

A côté de ces états d’âme dont je suis l’unique responsable donc, zéro doute sur le fait que la réalité, impitoyable et cruelle, est souvent chez moi vectrice de déprime ou de rage, voire les deux en même temps. Je veux dire, il y a de quoi. Dites moi que je suis trop sensible, que je prends trop les choses à cœur. Vous auriez raison de le penser. Mais c’est surtout que je ne peux viscéralement pas supporter les injustices … Pas de bol, il y en a pas mal dans le monde. Je n’ai pas envie ici d’évoquer le meurtre de George Floyd, énième victime d’un système raciste ancré dans chaque recoin de la société et de nos esprits (même si beaucoup continuent de le nier). Non je n’ai pas envie parce que ce combat mérite plus que deux lignes ; j’ai d’ailleurs la ferme attention de débattre un peu (beaucoup) plus en longueur de ma position vis-à-vis des systèmes de domination raciste, sexiste, capitaliste … et spéciste. Parce que oui, toute forme d’oppression est à dénoncer et à abolir. Toutes, sans exception. Je conclus ici ce petit teasing sur un futur texte que je n’ai absolument pas commencé (mais au moins ça m’engage à l’écrire, c’est noté noir sur blanc)… et cette évocation qui n’en est pas une donc (oui j’essaie de garder un semblant de cohérence).

Je ne peux pas nier que j’adore voir ce soudain élan de solidarité et d’engagement sur les réseaux sociaux, mais je ne peux pas m’empêcher non plus d’avoir peur que ce ne soit que passager. L’indignation et la révolte ne sont pas une sorte de phénomène de mode. Quelque chose où il suffirait d’afficher une ou deux fois son soutien à l’une ou l’autre cause, avant de tranquillement retourner à sa vie pépère, sans chercher à aller plus loin. La résistance demande de s’éduquer. Toujours plus. Et ainsi véritablement s’outiller, avoir les armes pour combattre ce qu’on dénonce. Je n’essaie pas ici de faire la leçon à qui que ce soit, moi-même je passe ma vie à apprendre. Quand je me regarde aujourd’hui, je suis tellement différente de celle que j’étais il y a à peine trois ans. Et heureusement. On se remet en question, on déconstruit, on évolue tous les jours… à condition de s’en donner les moyens, même quand c’est pas agréable pour nos certitudes et habitudes. Ça me donne tellement d’espoir de voir notre société civile manifester, et d’entendre les voix s’élever pour dire « Stop, cette société doit changer« … Je suis fière d’appartenir à cette « génération Covid-19 ». Et j’ai envie que cette force, cette capacité de remise en question de l’ordre établi, ce militantisme citoyen perdurent. Même quand la vie « normale » semblera reprendre son cours. Parce que cette normalité, elle était loin d’être géniale.

Je me dis toujours que je me bats peut-être pour des causes perdues d’avance ou pour une utopie qui semble inatteignable, mais malgré ça je continuerai à le faire. Comment pourrais-je vivre autrement ? La conviction et l’espoir sont nécessaires au changement. Mais la lutte, permanente, en est le moteur.

ps : prenez soin de vous et des autres. Des bisous.

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