La peur qui m’emprisonne

J’ai longtemps hésité à écrire sur ce mal qui m’habite. J’avais la sensation (et je l’ai encore) qu’il s’agit là de quelque chose d’infiniment intime, et que de ce fait, je ne devrais pas le partager avec d’autres personnes, si ce n’est avec mes proches. Le sentiment que le quotidien, la vie privée, ce qui se passe derrière l’écran des réseaux sociaux, appelez ça comme vous voulez, nous appartient à chacun. Et puis, je croyais naïvement que ça finirait par s’arranger tout seul, que je réussirais à arranger ça toute seule. J’ai eu tort. Aujourd’hui si je me décide à écrire, c’est pour me libérer. Je ne veux pas avoir honte, je veux guérir. Et je vais guérir.

* * *

Quand le stress s’empare de moi

Je ne veux pas apparaitre comme une victime, ce n’est pas mon objectif ici. D’ailleurs, je culpabilise parfois en me disant qu’objectivement il y a plus grave que ce dont je souffre. Ceci dit, la souffrance ressentie ne devrait pas être soumise à comparaison. Je souffre, c’est un fait. Personne ne pourrait prétendre le contraire. Après cette longue introduction, vous vous demandez peut-être : « Mais où veut-elle en venir ? Qu’est-ce qu’elle a à la fin ? ». Et ce serait légitime, c’est pourquoi je vais arrêter de tourner autour du pot.

Pour faire simple, si l’on peut dire, je souffre de phobies liées à l’alimentation et d’un trouble panique conséquent à ces phobies. Pour faire un peu plus compliqué, je vais donner quelques détails parce que tout récit a besoin d’un contexte. Remontons à l’enfance, période depuis laquelle je suis émétophobe. Pour ceux qui l’ignorent (je crois que jusqu’il y a 5 ans, j’ignorais moi-même qu’il existait un mot pour ça) il s’agit de la phobie de vomir (et plus globalement, de se retrouver dans des situations où l’on peut être exposé à des vomissements). Cependant, ça n’a jamais été une entrave trop importante, en ce sens que ça ne m’a jamais empêché de mener une vie relativement « normale ». Mais depuis un peu plus d’un an, tout a changé.

Sans trop savoir pourquoi, j’ai commencé à développer des nausées, de plus en plus souvent, allant même parfois jusqu’à m’empêcher de manger. Au fil des mois, au-delà de l’inconfort généré, il y a eu le stress. Le stress de ne pas comprendre l’origine de ces maux, mais aussi celui lié à la peur de vomir. Le plus drôle, c’est que j’ai dû vomir trois fois dans ma vie, c’est un comble d’avoir peur d’être malade du coup. Mais comme toute phobie, ça relève de l’irrationnel. Le fait est que ces peurs ont grandi, se sont collées à moi telles des sangsues, se nourrissant de tout élément potentiellement « alarmant », même le plus infime et insignifiant. Je suis devenue prisonnière de cette peur qui m’engloutit chaque jour un peu plus.

Un cercle vicieux

Petit à petit, le stress s’est accumulé. Et aujourd’hui, je vous le dis sans détour, ça m’empêche de vivre, tout bonnement. J’ai peur de manger. Quand arrive l’heure des repas, le stress m’envahit. Là où toute ma vie j’ai pris tant de plaisir, désormais il s’agit de lutter. Mon esprit est en alerte, en permanence, sans le moindre instant de répit. J’ai peur de sortir, peur de prendre les transports, peur de la foule, peur de me retrouver dans des situations que je ne maitrise pas. A chaque fois, ces peurs sont nourries par celle, plus profonde et plus insidieuse, que j’ai de vomir. M’exposer à ce risque absurde et irraisonnable me tétanise et me mène inévitablement vers l’isolement. Puisque j’évite de plus en plus toutes les situations qui m’apparaissent comme un danger potentiel. C’est devenu obsessionnel et, comme vous pouvez peut-être l’imaginer, totalement invivable.

Le problème, c’est que je suis désormais au cœur d’une spirale infernale, un cercle vicieux qui s’accentue chaque jour un peu plus. Je surveille scrupuleusement mon alimentation, je ne mange pas trop pour ne pas me sentir remplie, j’arrête de manger si je sens une quelconque douleur ou le moindre inconfort au niveau de mon ventre. Forcément, c’est pas top en termes de nutrition. Il m’est arrivé de passer deux jours sans manger autre chose qu’un petit-déjeuner. Heureusement, si l’on peut dire, je mange sainement avec un maximum d’aliments bons pour moi et ma santé. Mais ceci étant, ce n’est pas suffisant parce que la peur est là, m’empêchant de vivre pleinement et de manger avec appétit.

Vous l’aurez compris, c’est un combat contre moi-même que je mène au quotidien. Enfin, je dis ça comme si c’était évident à comprendre. C’est précisément parce que ça ne l’est pas que je n’en parle pas beaucoup. J’ai honte de ces peurs, et du regard que les autres peuvent porter sur celles-ci. Les petits sourires moqueurs, les moues dubitatives qui m’accuseraient d’en faire trop, les « Prends sur toi et fais un effort ». C’est difficile de totalement comprendre quelque chose que l’on ne vit pas, que l’on observe partiellement avec un regard extérieur, je le conçois. Et puis il y a ceux qui posent des questions, mais auxquels je n’arrive pas à fournir une réponse satisfaisante. Vous le voyez dans ce texte, c’est long et complexe. Je ne peux pas vraiment résumer tous ces maux en une phrase. D’ailleurs même ici, j’ai essayé d’être la plus claire et concise possible mais je peine à être complète, parce qu’en soi, une souffrance ne peut jamais être expliquée dans son intégralité. Certaines pièces ne restent accessibles qu’à celui qui la ressent.

Le difficile chemin de la guérison

Mais du coup, je fais quoi ? Je veux dire, c’est bien beau de vous raconter ma vie, de mettre des mots sur ce que je ressens au quotidien, mais après ? J’aimerais vous dire qu’il existe une solution facile et rapide, j’aimerais vraiment. Mais malheureusement la réalité est un peu plus compliquée, on le sait. Comme je l’ai dit au début de ce texte, ça fait un peu plus d’un an que mes « soucis » ont commencé, et ça fait quelques mois que c’est devenu un réel problème qui m’obsède un peu plus chaque jour. Ce qu’il faut savoir, c’est que j’ai été diagnostiquée (enfin, plus ou moins, parce qu’en fait c’est plus par élimination je crois) comme ayant le syndrome de l’intestin irritable. Je vous laisse aller voir sur Google pour les explications générales. Ce que je dirais juste c’est que d’une part le stress est un facteur aggravant (si pas la cause) de cette pathologie et d’autre part, vu mes phobies liées à l’alimentation, autant vous dire que ça n’aide pas vraiment à apaiser mes peurs.

Ceci étant, au-delà du suivi médical dont je bénéficie niveau gastro-intestinal, je cherche sans cesse des moyens de calmer mon anxiété. J’essaie de me consacrer des moments dans la journée pour tester des méthodes de relaxation, j’ai acheté des huiles aux propriétés apaisantes, je contrôle ma respiration quand je sens venir le stress. Pour vous dire, j’ai même commencé à me passionner pour l’élaboration et la réalisation de recettes vegan (si vous me suivez sur Instagram vous avez du le remarquer) ; ça peut sembler bête ou incongru mais le fait est que ça m’aide dans la relation que j’ai avec la nourriture. Alors oui, tout ça fonctionne pendant un temps, mais il y a toujours un moment où ce n’est plus suffisant. J’ai compris que j’avais besoin d’aide et surtout d’un traitement de fond.

On en arrive donc au dernier paragraphe de ce texte (« Enfin ! » vous dites-vous peut-être ; désolée vous savez certainement que la concision n’est pas mon fort) et je l’espère au début d’un nouveau dans ma vie : celui de ma guérison. Cette semaine, j’ai vu une psychologue pour la première fois. J’entreprends une thérapie comportementale et cognitive (TCC). Il parait que c’est particulièrement efficace pour soigner les phobies et autres comportements obsessionnels. Je ne peux qu’espérer que ce soit le cas pour moi aussi. Je sais que j’ai tardé à prendre ces troubles en charge, et je m’en veux un peu. Mais mieux vaut tard que jamais. Si vous saviez à quel point je veux retrouver une vie « normale », une vie où je peux sortir, rire, m’amuser, manger, être moi. Une vie que je peux vivre pleinement. J’irai chercher en moi toute la force pour affronter cette nouvelle épreuve et toute la confiance nécessaire pour réussir. A l’heure où le découragement et la frustration font rage en moi, je refuse d’abandonner. Le chemin sera long et tortueux. Mais je veux croire que j’arriverai au bout.

La plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber mais de se relever à chaque chute

Confucius

2 thoughts on “La peur qui m’emprisonne

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