Et si on n’attendait plus pour être heureux ?

Aux prémisses de l’année 2017, j’écrivais quelques mots sur l’étrange sentiment que procurait la période du nouvel an. Un sentiment à la fois rafraîchissant et mélancolique, qui donne tantôt l’impression qu’on est capable de tout et tantôt celle que rien ne va comme on l’avait souhaité. Le fait est que nous arrivons bientôt au terme de ces 365 jours réglementaires et donc précisément à cette fameuse période emplie de paradoxes émotionnels. L’occasion pour moi de m’interroger sur ces « bonnes résolutions » dont on nous rabâchera bientôt les oreilles, mais cela sans attendre le premier jour de 2018. C’est vrai quoi, on a souvent l’impression que rien n’a vraiment changé en une année. Pourtant, il y a forcément des tas de petites choses qui, si elles semblent insignifiantes en apparence, ont un impact sur ce que nous vivons, sur ce que nous pensons, sur ce que nous sommes. Et parfois c’est bien de faire le point. Se remettre en question, identifier nos erreurs, tirer des leçons et avancer. Et bien moi j’ai décidé de le faire aujourd’hui.

* * *

L’allégresse et l’angoisse. Ce qu’il y a peut-être de plus remarquable à la fois dans l’histoire et dans l’existence de chacun d’entre nous, c’est cette sorte d’équilibre qui n’est jamais rompu entre le bonheur et le malheur. On dirait qu’une force mystérieuse les empêche l’un et l’autre de s’installer pour toujours.

Jean D’Ormesson (Un jour je m’en irai sans avoir tout dit)

Dire au revoir à la négativité

S’il y avait une première leçon à retenir de ces derniers mois, ce serait sans nul doute celle-ci. Vous savez, j’apparais généralement comme une personne pleine de rires et de bonne humeur. Et c’est le cas, dans une certaine mesure. Mais ceux qui me connaissent, qui me connaissent vraiment je veux dire, savent que derrière ce sourire se cache souvent de la tristesse, de la mélancolie, des doutes. Je ne suis pas quelqu’un d’optimiste. J’ai tendance à voir le verre à moitié vide plutôt que celui à moitié plein, dirons-nous. Et pour rendre les choses encore plus délicates, je suis dotée d’une sensibilité démesurée. A tel point que, pour paraphraser Flaubert, ce qui érafle les autres, me déchire le cœur. Bref, je suis une sorte de créature émotionnelle qui, si elle semble contrôler minutieusement chacune de ses émotions, se laisse en vérité inexorablement submerger par elles. Résultat, chaque situation peut être propice à me mettre dans tous mes états. Le hic, c’est que bien souvent c’est moi-même qui me mets dans ces situations (je peux pas m’empêcher de foncer tout droit vers les problèmes oups). Et je finis par regretter. Schéma classique me direz-vous. Or, on ne devrait pas regretter. Ou en tout cas pas longtemps. Parce qu’au moment où on a agi, parlé, ressenti, c’était notre réalité. Et puis, surtout, parce que regretter ce qui est passé nous empêche de voir clairement ce que nous voulons maintenant.  Faudrait relativiser en fait. Mais c’est plus simple à dire qu’à faire, je le sais, croyez-moi. Alors essayons d’être moins négatifs, c’est déjà un début. Sinon, on peut très vite sombrer dans le cercle vicieux de la négativité, dans lequel on broie du noir, encore et encore. Et il est très difficile d’en sortir, forcément. Les erreurs et les échecs font mal, c’est vrai. Alors ne les considérons pas comme tels. Voyons les comme des leçons, comme les étapes d’un long apprentissage. Après tout, il suffit souvent de changer de regard sur une situation pour aller mieux. Encore une fois, non ce n’est pas facile. Mais qui a dit que la vie l’était ? Parfois il ne tient précisément qu’à nous de la rendre plus simple.

Ne pas étaler la négativité, ce truc est contagieux et nous ruine. La bonne nouvelle est que la positivité peut aussi être contagieuse et elle nous élève.

Joshua Neik

Ahhh rendre sa vie plus simple… Comment faire ? Je vous parlais de chasser la négativité, et bien ça passe inévitablement par faire un tri dans sa vie. Il y a des personnes ou des situations qui nous rendent malheureux, soyons-en conscients. On souffre parfois sans identifier la source de cette souffrance, ou sans pouvoir se résigner à l’éliminer (au sens figuré, ne tuez pas des gens, c’est illégal attention). Et pourtant… Alors oui je sais, c’est difficile de prendre des décisions. Comme on dit souvent, « choisir c’est renoncer ». Je crois que ce précepte peut parler à chacun de nous, précisément parce que nous sommes tous confrontés à ces choix. Des milliers de choix. Parfois légers, parfois graves. Parfois simples, souvent difficiles. On m’a dit que ne pas choisir était aussi un choix. On peut voir ça comme ça. Mais en vérité, on ne fait que reporter le vrai choix. Et prolonger les doutes, la colère, la souffrance, inévitablement. Oui, choisir c’est renoncer. Mais parfois, c’est justement l’occasion de renoncer à quelque chose qui n’était pas pour nous, et se préparer pour quelque chose de meilleur. Ne pas choisir c’est rester piégé, impuissant, dans une situation figée. Et si on avançait vers l’avenir plutôt ? Souvenons-nous que le changement a du bon, même si on ne s’en aperçoit pas immédiatement.

Vivre ses rêves

Et quand je parle de rêves, je ne pense pas forcément aux plus grands ou aux plus fous, mais aussi à toutes ces envies, ces projets qui nous passent par la tête. Parfois, on voudrait puis on remet à plus tard. Finalement on se résigne, et le temps passe, et la frustration grandit. On connait tous ce sentiment. Le même que lorsqu’on se plaint d’avoir envie de se remettre au sport, mais qu’on attend toujours « lundi prochain ». Le même que lorsqu’on voudrait visiter Florence et ses charmes architecturaux, mais qu’on n’a « pas le temps pour l’instant ». Le même que lorsqu’on a plein d’idées en tête et qu’on se dit que ce serait cool d’en faire des petites capsules vidéos, mais que c’est « pas le moment ». Comme vous l’aurez sûrement compris, j’ai pris des exemples qui me concernent. Et oui, je ne connais que trop bien cette sensation de vouloir faire tant de choses tout en ne les faisant pas, alors qu’elles sont à notre portée. En fait, c’est souvent nous-mêmes qui nous bridons, et cela sans nous en rendre compte. Combien de temps on va encore patienter avant de nous bouger les fesses et de vivre ce que l’on a envie de vivre ? J’évoquais justement cette manie que l’on a d’attendre la nouvelle année, ou le début de la semaine, ou le jour de son anniversaire. Arrêtons, ça ne sert à rien d’attendre. Après tout, on ne sait pas de quoi demain est fait (phrase cliché je sais mais bon c’est la vérité). Alors vivons. Maintenant. On passe parfois tellement de temps à planifier, imaginer, fantasmer le futur. Et si on le concrétisait plutôt ? Pour paraphraser Henry James, il est temps de vivre la vie qu’on s’est imaginée. C’est ce que je vais faire. D’ailleurs j’ai déjà commencé. Arrêter de me lamenter sur les choses qui ne vont pas et agir pour les changer. Changer. Ahh que j’aime ce verbe. Il nous fait parfois peur alors qu’il est le moteur de notre vie, l’essence de notre être (le champ lexical automobile n’était pas voulu non). Changer notre vie, ça se fait par petits pas. D’abord en se changeant soi-même, puis en changeant notre quotidien. Peu importe les erreurs, les faux pas, les obstacles, les maux, les peurs. Peu importe le passé. Vivre, c’est un verbe qui se conjugue au présent. Alors vivons. Maintenant.

Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir… et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns. 

Jacques Brel

Aimer, s’aimer

Parce que la vie vaut-elle vraiment la peine d’être vécue sans amour ? Evidemment que non. Dire au revoir à la négativité, vivre ses rêves… On ne peut nier que l’amour – dans son acception la plus large – nous y aide. Là non plus, pas besoin d’attendre pour aimer. Regardez autour de vous. Il y a tant de gens dans nos vies, et certes on les aime chacun à différents niveaux (ou on ne les aime pas, mais à ce moment-là, il est judicieux de se référer à ce que je disais plus haut sur ce fameux tri à faire dans sa vie), mais c’est bon d’aimer. Même brièvement. Vous savez, à chaque fois que je rencontre une nouvelle personne et que je sens que je l’apprécie, je ne peux pas m’empêcher de m’attacher. Je monte les gens très haut, très vite. Trop haut, trop vite, en fait. Peut-être parce que, comme disait Molière, les commencements ont des charmes inexplicables. Mais les commencements ont une fin, et parfois les charmes aussi. Quand on découvre quelqu’un, on voit d’abord ses qualités (et par souci de cohérence, même ses défauts sont des qualités au début), c’est humain. J’en suis d’ailleurs souvent la victime. Les gens ne voient que les aspects positifs de ma personnalité (peut-être parce que c’est ce que j’essaie de montrer, mais au fond, qui ne le fait pas ?) et je suis parfois estimée si haut qu’avec le temps je ne peux que descendre, précisément parce que je ne suis pas parfaite. Le voilà le problème, on n’est pas parfait. Et il y a toujours un moment où le voile tombe, où les gens s’éloignent de l’image idéalisée qu’on leur avait prêtée. Et c’est normal. C’est d’ailleurs là qu’on voit si une rencontre peut durer dans le temps ou si elle est destinée à s’évaporer. Et bien, voyez-vous, voilà ce que j’ai appris durant cette année écoulée. Ne nous fermons pas aux nouvelles amitiés par peur qu’elles soient éphémères. Les gens viennent et repartent. Ce n’est pas grave, la vie est ainsi faite (d’ailleurs je crois que c’est physiquement et cognitivement impossible d’entretenir une relation avec une infinité de personnes, notre cerveau pourrait pas gérer. Et notre agenda non plus en fait). Une fois qu’on a compris ça, il est plus facile d’aborder les choses sereinement. Vivons les bons moments, apprécions les pour ce qu’ils sont, au moment où ils le sont, et ne les regrettons pas une fois qu’ils ne sont plus qu’un souvenir. La vie est une succession de rencontres, de pertes et de retrouvailles. C’est cette instabilité qui la rend si fragile et si précieuse à la fois.

Pour conclure cette modeste ode au bonheur, je dirais que plus encore qu’aimer les gens, il faut savoir s’aimer. Mais pas en cherchant sans cesse l’approbation des autres. Même si c’est humain de vouloir être aimé, ça ne doit pas être la priorité dans cette grande quête qu’est l’amour, dans toutes ses formes. Être seul avec soi-même, s’interroger sur ce dont on a besoin pour être heureux, c’est ça l’essentiel. Après tout, la relation que l’on partagera toute notre vie, c’est bien celle que l’on a avec nous-mêmes, pas vrai ? Et ça, ça compte plus que tout. Alors ne nous négligeons pas. Ne perdons pas notre temps à être quelqu’un que l’on n’est pas. Rappelons-nous que les personnes qui nous aiment véritablement n’attendent pas que l’on modifie ce que nous sommes pour leur plaire, mais nous aident plutôt à être la meilleure version de nous-mêmes. Soyons cette meilleure version de nous-mêmes. Pour nous d’abord. Puis pour ceux qui nous entourent. Et vous savez quoi ? Pas besoin d’attendre la nouvelle année pour ça. Aimons-nous maintenant.

A vouloir toujours être aimé des autres, on perd le seul amour indispensable ; celui de soi.

Catherine Enjolet (L’amour et ses chemins)

 

6 thoughts on “Et si on n’attendait plus pour être heureux ?

  1. C’est incroyable les réflexions que tu as ! Je me suis laissé tenter par son Snap qui nous invité à lire ton nouvel article et j’ai bien fait.
    Ça m’a fait beaucoup de bien et je me suis, encore une fois pas mal retrouvé dans ce que tu dis même si mon avis est légèrement différent sur certaines de tes réflexions.
    Encore merci pour cet écrit criant de véritées, simple mais si réaliste 😁.

    1. Merci à toi pour ton message ! Il n’y a pas meilleure sensation pour quelqu’un qui écrit que de savoir que ses mots parlent aux gens. Au-delà d’exorciser nos propres démons, on le fait aussi pour partager nos émotions avec les autres et leur apporter cette chose si fragile mais si importante qu’est l’espoir.
      Encore merci à toi !
      Belle journée 🙂

      1. Effectivement ça doit être assez salvateur ce genre d’exercices mais je n’ai jamais pris le temps de le faire 🤔.
        Effectivement ça donne de l’espoir et aussi beaucoup de reconfort. Tu te sens moins seul car tu sais que quelqu’un est passé par le même schéma de pensées que toi !
        Merci pour ta réponse ! Je ne pensais pas en avoir 😁 !

  2. Bravo Sarah, qu’elle fraîcheur et plaisir de te lire. J’apprécie beaucoup tes réflexions ainsi que la manière dont tu les exprimes. On dirai que tu écrit tout aussi naturellement que tu parles, et que tu pourrai argumenté comme ça pendant des heures.
    Une vraie passionné oserais-je dire.
    En te lisant on decouvre agréablement un texte intelligent, captivant, drôle, un texte qui transmet bcp d’émotion, de sensibilité, un texte qui touche et donne envie de le lire surtout.
    Je trouve en tt cas que tu as un talent certain pour l’écriture et la communication en general..
    Je t’encourage vivement et te souhaite autant de plaisir à écrire que tu nous en donne à te lire.
    Belle journée à toi 😉

    1. Waouh merci beaucoup pour ton commentaire ! Ça me touche, sincèrement. Quand j’écris ce genre de textes, je cherche toujours à faire passer les émotions que je ressens, alors quand c’est le cas, il n’y a pas meilleure récompense ni plus grande satisfaction ! Ayant souvent des moments de doutes, ce genre de retour positif m’apporte beaucoup, vraiment.
      Au plaisir de te transmettre encore de nombreuses émotions, aussi diverses soient-elles, par mes mots.
      Très belle soirée 🙂
      Sarah

  3. Bonjour Sarah,

    En voilà une jolie introspection ! Ne serait-ce qu’arriver à formuler ses doutes, les coucher sur papier, c’est déjà tendre vers une sorte de paix intérieure.
    Écrire, pour les amoureux de mots que nous sommes (je me permets de te prêter ce penchant vu la poésie toute sensorielle de ton écriture) constitue la plus belle des thérapie…

    Tes conseils prodigués, très « stoïciens », me semblent justes. S’accepter, retrouver une relative maîtrise de soi est essentiel pour aller de l’avant. Arriver à une adéquation permanente et constante entre ce que l’on pense et ce que nous faisons. Etre heureux, en tout cas pour moi, passe par cet équilibre.
    C’est une simple question de souplesse au bout du compte ! … ^^

    Bien à toi,
    Rémi Champagne

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