#7 – Une année en Bavière

Assise sur mon siège, je peine à étendre mes jambes, sous la climatisation beaucoup trop forte d’un Flixbus arrêté à Karlsruhe. Quelques relents nauséabonds se font sentir dès que quelqu’un ouvre la porte des toilettes. Même le parfum puissant de ma menthe poivrée n’y fait rien. Alors que le jour se couche presque, j’ai décidé de taper quelques mots sur le clavier de ma tablette. Le bus a repris sa route, rendant cette tâche encore plus ardue qu’elle ne l’était déjà, au vu du peu d’espace disponible devant moi. Je regarde le paysage à travers la vitre décorée de traces de doigts, la musique résonnant dans mes écouteurs. Contre toute attente peut-être, je me sens bien. Certainement une bonne allégorie de ces derniers mois de ma vie. Dans l’instabilité incessante, j’ai trouvé une forme d’équilibre dans laquelle je suis heureuse. Ça a pris du temps et de l’énergie. Ça a demandé des efforts, des remises en question et des doutes. Mais je peux dire que j’ai un regard positif sur ma vie. Elle est très agréable quand même, je m’en rends compte. Les petites vagues d’émotions négatives, les petits détails du quotidien qui me touchent plus que de raison, les moments de vide, je ne les sens plus. Ou en tout cas, ils sont moins fréquents, moins longs, moins forts. C’est ce qui explique notamment mon absence sur ce journal. Je l’avais déjà dit ici, quand je me sens bien, je n’écris pas. Je vis. J’avance.

Une année de changements
Ça va faire bientôt un an que je suis arrivée en Allemagne. Un an que j’ai commencé cette nouvelle vie ici. Presque naturellement, je ressens le besoin de faire le bilan. Vous savez les cycles de la vie, tout ça. Revenir sur mes débuts ici, sur les milles émotions différentes qui m’ont habitée, sur la personne que je suis devenue en une période qui semble si courte et si longue à la fois. Mon histoire d’amour, celle qui m’a menée ici, m’a suivie pendant de longues semaines, me donnant le sentiment, comme le ressentent tous les cœurs brisés et déçus, de ne jamais pouvoir m’en remettre. De ne jamais pouvoir oublier chaque moment, chaque mot, chaque sourire. Ou de ne pas savoir comment faire pour y arriver. Et puis un jour, sans crier gare, ce sentiment disparait. Un déclic, un instant, dont on ne se rend même pas compte. Comme la bougie qui s’éteint quand elle n’a plus d’oxygène. C’est une douce sensation. Une fois de l’autre côté, c’est fini, on ne se retourne plus. Je ne me souviens plus du moment précis où c’est arrivé. Mais celui où j’ai su, oui. Et une fois libérée de la rancœur, quand les souvenirs ne sont plus des chambres tristes, mais juste des chapitres clos d’un livre où il reste tant à écrire, la vie prend une toute autre tournure. Le fait d’être ici ne me faisait plus penser à cette relation, elle n’en dépendait plus. J’ai construit ma vie à travers chaque personne rencontrée, chaque lieu visité, chaque moment vécu. Mes expériences, mes rires, mes découvertes, mes déceptions. Cette aventure, je l’ai faite mienne. Et j’en suis si fière

La douceur de l’été
Je dois dire que depuis mai, ma vie a été un voyage continu. J’ai beaucoup bougé. Tout a commencé avec mon retour en Belgique, il m’a fait du bien, vraiment. Je revenais aux sources, mais j’étais devenue une nouvelle personne. Une autre approche de vie et certainement moins de barrières. Je me suis sentie tellement bien que ça m’a donné envie de revenir dans ma ville à peine un mois après, me laissant profiter d’un périple dans le nord de l’Italie entre les deux. Cette année a marqué le retour du Doudou, ce qui a rendu toute particulière cette édition évidemment. Mais au-delà de ça, c’était une année spéciale pour moi car je célébrais Mons sans plus y vivre. Et quel sentiment incroyable de se sentir tant entourée, tant considérée par toutes ces personnes que j’apprécie et qui ont jalonné mon chemin. Je suis maintenant si loin et je me suis pourtant sentie si proche. A partir de là, j’ai senti une transformation en moi. J’éprouvais de moins en moins le besoin d’accumuler les amitiés superficielles, d’être de toutes les fêtes. J’ai ressenti que je n’avais plus besoin de ça pour me sentir appartenir à l’endroit où je vis, pour me sentir chez moi. Je ne dis pas que mon besoin d’être reconnue et aimée a disparu, mais il ne guide plus mes actions et pensées. Evidemment il est normal qu’à mon arrivée, je voulais trouver ma place dans ce nouvel environnement. Mais au bout d’un moment, on sent que certaines affinités se développent plus que d’autres. Je ne recherche plus la quantité, mais j’essaie plutôt de passer des moments de qualité avec les gens que j’aime. Et parfois même, je prends du temps rien que pour moi. Waouh. Vous savez cette peur de manquer quelque chose, de ne pas être partout à la fois, de ne pas exister continuellement dans l’esprit des gens ? Je ne la ressens plus vraiment en ce moment. Parce que ma vie, telle qu’elle évolue, me plait. Peut-être pas tout évidemment, la perfection n’existe pas. Mais j’aime le rythme et la direction qu’elle a pris.

Un nouvel équilibre à challenger
C’est dans mon jardin en Belgique que j’écris ce dernier paragraphe. Sous le soleil brûlant que ma peau apprécie particulièrement. Je me pose un instant. Je prends une grande inspiration. Je me sens bien. Je me sens chanceuse. Une année, c’est court et en même temps tellement de choses peuvent s’y passer. Chaque choix que j’ai fait m’a menée là où je suis, m’a menée à celle que je suis. Une année, dans un nouvel environnement, c’est peut-être le temps qu’il faut pour s’y acclimater en fait. Trouver ses marques. Et ce nouvel équilibre fragile. Je pourrais me contenter de cette espèce de zone de confort que j’ai réussi à créer. Mais la vie, non exempte de ma propre volonté, en a décidé autrement. Une année à me balancer entre Augsburg et Munich, à chercher de la stabilité entre deux vies différentes, à apprendre à concilier toutes mes habitudes ici et là. J’ai fini par me sentir un peu chez moi aux deux endroits, mais jamais totalement. Vous le savez, mon cœur a toujours désiré poser ses bagages à Munich. Pourtant, je m’étais finalement bien habituée à Augsburg. Ma nouvelle colocataire débarquée en mars y est certainement pour beaucoup. Elle m’a donnée l’envie de prendre le temps de vivre dans cette ville, elle m’a aidée à ne plus me sentir étrangère, et à apprécier les moments passés et les rencontres faites ici. Il en aura fallu du temps, mais oui, je me suis vraiment sentie chez moi. D’ici peu, une nouvelle vie à Munich m’attend. Recréer des repères, des habitudes, et par-dessus tout modifier quelque peu l’équilibre que j’avais trouvé, la zone de confort dans laquelle je m’étais lovée. Ça pourrait me faire peur oui. Mais en même temps, je trouve ça terriblement excitant. Rien que de penser à toutes les nouvelles choses que je vais vivre, toutes les surprises qui vont jalonner à nouveau cette prochaine année en Bavière, ça me remplit de joie. Ça me donne des papillons dans le ventre. Après tout ce temps, j’ai enfin accepté de vivre avec l’incertitude de ne pas savoir de quoi demain sera fait. Je ne sais pas vraiment ce qui m’attend, ni ce dont j’aurais envie. Mais je sais que ce sera bien. Parce que je l’ai décidé. J’ai choisi de profiter de ces instants que je n’aurais jamais pensé vivre il y a quelques années. J’ai choisi de faire confiance aux opportunités de la vie. J’ai choisi de me faire confiance.

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