#6 – A la recherche d’un équilibre

J’ai commencé à écrire ce texte, ou en tout cas quelques bribes, en février. Mais le temps est passé et je l’ai laissé dans un coin de ma tête et de mon ordinateur, me disant que je le continuerai plus tard. Ce qui a finalement mis du temps à arriver. On est en avril. Oups. Au vu de ce qui se passe dans le monde, le fait que j’oublie de publier sur mon journal pendant plus d’un mois reste finalement un évènement relativement peu intéressant, soyons honnêtes. Je n’ai pas forcément éprouvé le besoin d’écrire durant ces dernières semaines, préférant le tumulte d’une vie à cent à l’heure. Et puis, me revoilà. Après tout ce temps. Face à mon écran. Cherchant le calme et mes mots. Ça fait du bien de se poser et de poser mes pensées par écrit. J’ai beaucoup de choses à dire je crois. Tout est assez fou en ce moment, et ce qui m’anime, plus encore que d’habitude, c’est la recherche d’un équilibre. A chaque instant. Dans chaque domaine de ma vie.

Augsburg. Alors que j’aime cette ville, j’ai parfois l’impression d’être arrivée au bout d’une histoire. Et quelle histoire. Ce lieu, ce n’était pas mon choix et pourtant, je ne regrette pas une seule minute d’être venue ici. J’y ai rencontré des personnes qui comptent beaucoup pour moi. Augsburg, c’est la famille, c’est le calme (enfin, quoique quand je pense à certains épisodes de la vie qu’on mène ici avec mes amis, je dirais que ça ne l’est pas toujours), c’est les repères, c’est le home sweet home.
Et puis, il y a Munich. C’est plus grand, et ça bouge beaucoup plus. J’aime tellement son énergie. Je m’y sens inspirée, je m’y sens vivante, je m’y sens forte. Là aussi j’ai rencontré des gens que j’apprécie beaucoup et avec qui je passe des moments super. J’aime la personne que je suis quand j’y suis.
Le problème c’est les 65 km entre ces deux villes. Les trajets c’est pas toujours faciles. En soi ce n’est que 40 minutes en train, ok. Mais parfois c’est lourd. La plupart du temps je reste quelques jours à Munich quand je viens. J’ai de la chance de connaitre des gens adorables qui m’hébergent. C’est pratique. Oui. Mais c’est pas le mieux non plus. Le paradoxe, c’est que je me sens chez moi à deux endroits. Et si pour l’instant, j’arrive à jongler plus ou moins entre les deux, je sais que la situation ne pourra pas être viable ad vitam eternum. A terme, je sais que j’aimerais m’installer à Munich. Mais ça veut dire que je devrai renoncer au confort de mon appartement actuel (j’ai la chance de payer un loyer raisonnable, d’avoir une super coloc et d’être extrêmement bien située en centre-ville, pas sûre de retrouver ça aussi facilement à Munich). On sait ce qu’on quitte, on ne sait pas ce qu’on trouve, c’est certain. Et puis choisir, c’est renoncer. Un peu. Si je pars à Munich, quelle relation garderai-je avec Augsburg ? Mes amis, mes habitudes, ma vie ici… tout ça me manquera indéniablement. Mais on verra ça plus tard. Le moment venu.

Munich, c’est aussi le lieu où je travaille. Enfin, où j’ai décidé de travailler. Initialement, je travaillais dans des bureaux au milieu des champs à Dachau. Mais sans voiture (plus besoin de vous expliquer mon fameux accident 3 semaines après mon arrivée ici), forcément c’est moins accessible. Augsburg-Munich par contre c’est plus simple, en train ça se fait bien, et puis ça me permet de vivre ma vie là-bas aussi. Je travaille dans le service client pour le marché francophone d’une boite d’impression photo (myposter, je suis corporate donc je vous invite à aller voir le site 😉 ). Pas le salaire le plus élevé que je pourrais avoir, ni les tâches qui me procurent le plus de responsabilité et de stimulations intellectuelles, soyons clairs. Mais j’aime l’ambiance de cette boite. C’est pas partout qu’on peut se servir dans un énorme frigo rempli de bières à chaque Feierabend, voire même faire un beer pong au bureau (histoire vraie). La hiérarchie est assez plate, je rigole bien avec mes collègues, c’est jeune, c’est dynamique, c’est très start-up. Jusqu’ici j’étais tout le temps en télétravail, hormis une ou deux fois par semaine où je me rendais dans les bureaux de Munich. Ce qui fait que j’organisais mon temps comme bon me semblait. Se lever à 7h15, commencer le travail à 7h30 et terminer à 16h30, pour profiter du reste de la journée comme je le veux, c’est le top. Mais, le covid devenant de moins en moins une contrainte, on délaisse progressivement le télétravail. Pas totalement, mais il n’est plus la règle. Évidemment tout ça remet un peu en question cette organisation spontanée que j’avais jusqu’à présent. Je suis un peu dans un moment charnière où l’équilibre que j’avais trouver jusqu’à présent est mis en péril. Ce qui, évidemment, génère pas mal de stress. Heureusement, cette période correspond aussi à de gros changements dans ma manière de vivre. La fête, la bière et la nourriture riche (très riche), c’est ce qui rime mon quotidien depuis que je suis ici. Alors ça fait plaisir, j’aime bien vivre, mais l’excès ne peut durer qu’un temps. Mon corps me fait sentir que j’atteins quelques limites. J’ai décidé de me reprendre en main. De prendre plus de temps pour moi, pour me reposer. J’ai repris le sport (même si le covid m’a laissée avec des poumons qui suffoquent dès que je tape un sprint pour ne pas louper mon train) et une alimentation équilibrée (sans sucre, ce qui veut dire avec moins d’alcool… je l’écris ici pour en faire une garantie que je vais tâcher de respecter). Vous savez ce qu’on dit : un esprit sain dans un corps sain.

Et en parlant de corps justement, ça me donne envie d’évoquer les relations (Sarah, pro des transitions ou pas?). Je me rends compte que j’en parle souvent pour quelqu’un qui disait précisément ne pas vouloir trop en parler, non ?
C’est parce que, même si je vis à sent à l’heure, ça reste indéniablement un sujet qui occupe mon esprit. Mais j’ai envie de parler de mon rapport aux autres, et ce dans toutes les relations. Les rencontres, qu’elles soient amicales ou plus, sont un véritable moteur pour moi. Je sais que je me nourris de mes interactions avec les gens et, surtout, des liens que je crée. « Sarah, tu connais tout le monde ! » C’est une phrase que j’entends souvent et on en rigole beaucoup. J’écris ces mots sans prétention. Je sais juste qu’en effet j’aime beaucoup développer mon réseau. C’était déjà le cas en Belgique, et en 7 mois ici en Bavière, c’est la même chose. Au-delà de ma sociabilité, j’ai besoin de ces interactions avec les gens. Beaucoup de gens. J’aime tisser ces connexions. Alors évidemment, je ne peux pas entretenir une relation forte avec tout le monde (ce serait tout bonnement impossible). Mais en créant ces liens autour de moi, je me sens spéciale. Je me sens nourrie dans mon besoin de reconnaissance et d’amour. Mais parfois je ne peux empêcher mes démons de ressortir. La jalousie, l’envie, la compétition et la volonté d’être la meilleure, d’être celle qui brille. Parfois, ces sentiments s’emparent à nouveau de moi et me font croire, encore, que ma vie n’est pas « assez », que je ne suis pas « assez ». En amitié, je ressens tellement que je suis moi-même étonnée parfois de m’attacher si peu d’un point de vue amoureux, ou à tout le moins romantique. Vraiment. Après quelques rendez-vous – souvent jamais plus de trois sauf exception – je n’y arrive plus. Une part de lassitude, certainement. Mais surtout, je me sens obligée, oppressée, comme si l’homme que j’avais en face de moi était dans une sorte d’attente (réelle ou présumée). D’un côté je n’ai pas envie de m’impliquer plus, de m’investir, de prendre plus de temps pour lui, et de l’autre je me sens mal rien qu’à l’idée de pouvoir faire du mal à quelqu’un (ne serait-ce qu’à son ego). Et dans ce paradoxe émotionnel, je finis toujours par prendre la voie de la fuite. C’est drôle parce que parfois, et parfois seulement, je me dis qu’il serait doux d’aimer quelqu’un. De ressentir à nouveau ce frisson, ces papillons, ce feu. Mais en même temps, j’aime être un électron libre. J’aime ces moments de jeu, de séduction, de sensualité. Ce n’est peut-être pas incompatible en soi. Je ne sais pas trop. Souvent c’est compliqué pour moi de savoir ce que je veux ou ce que je ne veux pas.

Sur ces mots, je vous avoue que je ne sais pas trop quelle conclusion apporter à tout ça. C’est aussi difficile d’écrire cette fin que de trouver l’équilibre dont j’ai parlé tout au long de ce texte. A vrai dire, ce qui est particulier avec lui, c’est qu’il est toujours éphémère. A chaque changement, aussi infime soit-il, il peut-être remis en question. C’est un état de stabilité entre deux forces qui s’opposent, et l’harmonie qui en découle peut vite s’écrouler. Et c’est encore une fois un paradoxe qui me définit bien : je cherche un simulacre de stabilité, tout en le fuyant en même temps. Je veux que ça bouge, je veux vivre mille choses à la fois, je veux tout. Mais en même temps, dès que ça arrive, précisément, je me noie et cherche de nouveau à retrouver un certain équilibre. Je suis une éternelle insatisfaite, comme si je ne pouvais jamais me contenter de ce que j’ai ici et maintenant. Il faut que je mette moins de pression je crois. Accepter aussi les moments où je ne vis pas à cent à l’heure, accepter que la vie est une succession d’étapes et qu’il faut penser au positif de chacune parce qu’elles sont toutes là pour une raison. Je dois ralentir surtout. Apprécier les moments que je vis, sans toujours penser à la suite. Le présent d’abord. Pour le reste, on verra plus tard.

 

 

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