#1 – Arrivée en terre inconnue

Tout quitter (ou presque) pour vivre sa vie ailleurs. C’est quelque chose à laquelle beaucoup de gens pensent. Quelque chose à laquelle moi j’ai souvent pensé en tout cas. Mais entre y penser et franchir le pas, il y a tout un monde parfois. Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai évoqué des projets à l’étranger, où je me suis projetée ailleurs que dans ma petite Belgique. Non seulement pour prendre mon indépendance et me sentir libre (même si la notion de liberté est finalement toute relative dans notre société où l’on est bien souvent alliéné.e.s à une série de schémas de vie et de pensée) mais aussi pour sortir de ma zone de confort et vivre d’autres expériences. Alors je me rêvais au Canada, en Nouvelle-Zélande ou encore en Australie, à vivre une vie remplie de beaux paysages, de road trips improvisés, de balades en forêts, de couchers de soleil… Bref une vision quelque peu idéalisée de l’expatriation, en effet. Ceci étant tous ces projets n’étaient jusqu’alors que de doux fantasmes dans mon esprit. Malgré ma frustration, je me sentais bien dans mon petit confort quotidien, dans cette routine que pourtant j’exècre. Mais aujourd’hui, alors que je vous écris ces mots, ces fantasmes n’en sont plus. Enfin presque. Mes envies d’ailleurs ont été comblées, mais d’une manière à laquelle aucun de mes plans ne m’avait préparée. Wilkommen in Deutschland.

Je ne m’attarderai pas sur les origines de ce départ, tellement l’histoire est longue et tortueuse. Je dirai simplement que pendant des mois (depuis mars à vrai dire), l’opportunité de partir en Allemagne s’est présentée mais toujours entre parenthèses, comme si je ne réalisais pas que ça allait réellement se produire ni ce que ça impliquait vraiment. Pendant des mois, j’ai préparé ce changement de vie et ce n’est pourtant que lorsque j’ai commencé mon premier jour dans mon nouveau boulot (on y reviendra dans un autre billet, là je brûle les étapes oups) que j’ai vraiment pris conscience de ce qui se passait, que tout ça était bel et bien réel. Et du coup, je ne résiste pas à l’envie d’écrire là-dessus. L’envie de vous partager ce que je vis, et les différentes étapes par lesquelles passe cette nouvelle aventure. Un journal de bord en plusieurs parties, à mi-chemin entre un récit personnel et des histoires communes qui pourront peut-être faire écho à l’un.e ou l’autre d’entre vous.

Je vous avoue que j’avais ici prévu initialement de vous décrire les premières étapes de cette arrivée en Allemagne, vous contant les difficultés de trouver un logement, de réaliser les démarches administratives, de rencontrer des gens, et cela avec juste un soupçon d’état d’âme. Mais en un mois tout juste écoulé, il s’est bien passé des choses. Alors je me retrouve là à vous écrire, remplie d’une multitudes d’émotions en moi et écoutant sur Spotify une radio liée à James Bay (j’ai définitivement besoin de ce mood pour écrire). Ce qui devait être un nouveau départ l’est plus encore que je ne l’avais imaginé. Avant de partir, j’en ai eu des doutes. Si vous saviez. Combien de fois j’ai dit « je ne pars pas », combien de fois je me suis répété « j’ai peur ». Mais j’y suis allée, je l’ai fait. Parce que quelque chose en moi était convaincu que ce serait, quoi qu’il arrive, une bonne expérience pour moi. J’en reste convaincue malgré tout, malgré ce que je m’apprête à vous raconter.
Car en à peine une semaine, je dirais même en à peine trois jours, tout a basculé. L’aventure que j’avais plus ou moins planifiée ici a soudain pris une tout autre tournure.

Vendredi 17 septembre 23:36.
Je commence presque par la fin parce que cela me semble être l’évènement le plus marquant. Après une soirée pour fêter les 10 ans de l’entreprise dans laquelle j’ai commencé à travailler il y a alors tout juste deux semaines, j’avais décidé de rentrer chez moi. J’étais fatiguée et pas dans mon assiette (j’y reviendrai). J’avais une heure de route à faire, et je me dis a posteriori que j’aurais peut-être dû accepter les propositions pour rester dormir chez l’un.e ou l’autre collègues. Mais j’ai pris la voiture. Et vous savez, cette route, je la connais très bien. Ça faisait deux semaines que je la prenais, matin et après-midi. Mais il faisait noir. Et je le répète j’étais fatiguée, physiquement et émotionnellement. J’ai peut-être roulé un peu vite. Enfin pas peut-être, c’est certain en fait. Alors quand ce virage est arrivé, je ne l’ai tout simplement pas anticipé. J’ai dérapé sur la route glissante de la nuit. J’ai freiné. J’ai perdu le contrôle. Et je me suis retrouvée propulsée avec ma voiture. Comme dans les films, j’ai fait des tonneaux. Et chaque seconde a duré une éternité. Je me suis dit « c’est la fin ». Et alors que la voiture retombait sur ses roues, je regardais autour de moi. J’étais dans un champ, le long d’une route de campagne, sans lumière, sans bruit, sans personne. Je peux encore sentir le froid me glacer le dos. Mes appels téléphoniques restaient sans réponse, il était tard. J’ai quitté la voiture et tenté de rejoindre la route. Par chance, une voiture est passée et un couple m’a aidée du début jusqu’à la fin. J’étais en état de choc. Puis l’ambulance est arrivée, j’ai été emmenée à l’hôpital. J’ai eu beaucoup de chance, je le réalise. L’issue de cet accident aurait pu être bien plus grave. Ma voiture est détruite certes, j’ai quelques blessures certes, mais je suis vivante. Il faudra du temps pour surmonter le choc, je le sais. Quand je ferme les yeux, je me revois perdre le contrôle de ma voiture. Mais je le répète, je suis là. Et ça peut paraitre bateau ou niais, mais j’ai compris plus que jamais que la vie est courte, que je dois en profiter intensément et que je ne peux pas perdre mon temps à vivre des situations qui me rendent malheureuse.

Jeudi 16 septembre 23:53.
Vous le savez, je ne me suis jamais vraiment épanchée sur ma vie amoureuse et intime. Mais j’ai besoin d’écrire, j’ai besoin de parler, pour rendre les choses réelles et pour avancer aussi. Je suis venue ici accompagnée, pensant que j’allais vivre une vie à deux. Après des mois de hauts et de bas. Après des mois à se convaincre que rester ensemble était la meilleure solution. Après des mois à me demander si c’était réellement ce que je voulais et ce dont j’avais réellement besoin. J’y ai cru. Ça oui. On se disait « ça ira mieux en Allemagne ». Spoiler alert : c’est le contraire. Alors arrive ce moment tant redouté, tant repoussé. Celui où on se dit « c’est fini ». Trois mots qui brisent le cœur, l’amour et le temps que l’on s’était donnés. Trois mots qui nous ramènent à la réalité. C’est dur … mais c’est la bonne décision…. oui mais c’est dur. Réapprendre à vivre seule et se débarrasser des habitudes que l’on a ancrées en soi pendant des mois. Puis faire le deuil des souvenirs et des « Et si … ». Parce que c’est là que l’absence fait le plus mal. C’est définitivement compliqué de renoncer à ce que l’on a connu depuis des mois, de renoncer à ce que l’on ressent au fond de soi. Certes c’est la fin de quelque chose oui. Quelque chose qui était destiné à se terminer. Quelque chose qui ne nous rendait plus heureux, ou en tout cas moins que l’inverse. Mais c’est le début d’autre chose. D’une infinité de choses. Là aussi il faudra du temps. Mais ne dit-on pas que c’est lui qui guérit nos blessures ?

Je suis arrivée ici dans un airbnb partagé, ni la solution la moins chère ni la plus agréable certes, mais la plus simple pour s’installer temporairement et pouvoir prendre ses marques.
On avait réservé jusqu’à la fin novembre, de quoi s’assurer le temps de trouver un vrai chez soi. J’avais envie de vous raconter les détails de cette cohabitation non conventionnelle, et je le ferai certainement dans d’autres « épisodes » de ce journal de bord. Mais il est clair que désormais la question du logement à trouver se pose plus vite que prévu. Et maintenant ?. Les critères de recherches changent, je me retrouve seule à chercher. Enfin pas vraiment. Parce que l’Univers se charge toujours de me montrer la voie, j’ai rencontré sur ce nouveau chemin de formidables personnes. On se connait depuis si peu de temps mais le lien est déjà si fort et je sais que je peux compter sur eux.elles. Moi qui suis très sociable, me retrouver sans toutes les personnes qui m’entouraient me faisait tellement peur. J’ai le besoin irrépressible d’interagir et de partager des choses avec les gens, de faire de nouvelles rencontres, de sortir. C’est ma manière de fonctionner. Et quand je suis privée de ça, je me sens indéniablement seule. Non pas que je n’apprécie pas de me retrouver avec moi-même, mais je ne me sens bien que si je peux créer et développer des liens avec les autres. C’est vital pour moi. Alors, c’est vrai que même entourée lorsque j’étais chez moi, je me sentais parfois seule. Ce sentiment existe aussi parce qu’en 26 ans d’existence, je ne me suis jamais vraiment retrouvée seule face à moi-même, seule responsable de mes choix et de mes actes. J’ai toujours eu besoin d’être accompagnée. On en revient à ce que j’ai déjà évoqué dans ce journal, je me sens exister à travers le regard et la validation des autres. C’est peut-être ça aussi qui explique à quel point j’ai tant besoin d’avoir des gens à mes côtés (au-delà de la simple sociabilité). Mais je vais désormais apprendre à me débrouiller seule, à vivre pour moi et à compter sur moi. Et je sais que je serai soutenue dans cette nouvelle vie et dans la quête de cette nouvelle version de moi-même.

Une chose est sûre, rien n’arrive par hasard. Cette dernière année m’a préparé à ce que je m’apprête à vivre ici. Et cet accident m’a rappelé que la vie est précieuse et que je dois penser à ce dont j’ai envie, à ce dont j’ai besoin. Ça prendra du temps. Et il y aura des jours plus difficiles que d’autres. Mais j’y arriverai. Je vais vivre ma meilleure vie.

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