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A la base, je ne voulais pas écrire là-dessus, vraiment je vous assure. En tout cas pas maintenant. Pas au moment où tout le monde en parle à cause (grâce ?) d’une pub pour des serviettes hygiéniques. Maintenant vous voyez à quoi je fais référence ? Bref, j’ai essayé de résister mais j’ai pas réussi. Et puis mes règles qui arrivent dans quelques jours, je sais pas y a une forme de cohérence. Comme quoi le timing hein.
Bon vous l’aurez donc compris (si ce n’est pas le cas, la réponse arrive dans 3…2…1…), je parle de la pub Nana. Ou plutôt de leur campagne de pub visant (à vendre oui, mais aussi) à briser le tabou des menstruations et, plus globalement, celui du sexe féminin. Et il semblerait que cela en choque certain.es, voyez-vous. Mais choqué.es par quoi en fait ? Par la folle révélation que ce n’est pas du liquide bleu qui coule de notre utérus une fois par mois ? Par la représentation imagée et créative d’organes génitaux féminins (oh mon dieu une orange coupée en deux, c’est si vulgaire) ? Ou encore par l’absence de honte d’une meuf qui demande une protection hygiénique en public ?
Voilà que je suis même tombée sur une pétition contre ladite publicité qui je cite « montre une image dégradante sur l’intimité de la femme »… Pardon ? Une « image dégradante » ? Parfois la bêtise est si foudroyante que j’en perds ma légendaire répartie. Sans blague. Nous vivons dans un monde où évoquer le sexe féminin, qui plus est pour une cause positive (à savoir briser les tabous et prôner une relation décomplexée entre les femmes et leurs corps) apparait comme dégradant. Plus, d’ailleurs, que d’utiliser sans cesse les mêmes clichés sur la féminité (et la masculinité) dans la grande majorité des représentations auxquelles nous sommes confronté.es chaque jour dans les pubs, films, émissions,…
En montrant ce sang des règles et en imageant la diversité des vulves, on va plus loin : on lève le voile sur la réalité de notre quotidien en tant que femmes, et ce dans ses multiples aspects. Au-delà de cette image parfaite, lisse, « féminine » (telle qu’elle est acceptée et véhiculée par la société). Je crois que l’hypersexualisation du corps de la femme a déformé la vision objective que l’on peut avoir de lui. Le corps nu (ou partiellement nu) d’une femme est interprété comme une représentation de la sensualité. Là où le torse nu d’un homme est socialement accepté, celui d’une femme sera jugé comme sexualisé. Pourquoi cette « pudeur » devrait-elle avoir deux vitesses ?
En parallèle de cette hypersexualisation (et peut-être, dans une certaine mesure, paradoxalement), vient inévitablement l’idéalisation du corps de la femme, sa sacralisation même. Parenthèse : on peut souvent lire ou entendre LA femme ; un singulier qui nous prive de notre singularité et établit l’idée d’un modèle unique de ce que nous pouvons être (valable pour les hommes aussi d’ailleurs). Je referme la parenthèse. Un impératif esthétique qui nous enferme dans une représentation tronquée de ce nous sommes. Du coup, dès que l’on montre le contraste qu’il existe entre cette image idéalisée et la réalité, forcément ça fout un coup. Quand on oblige les gens à ouvrir les yeux et à remettre en question leurs préconceptions, c’est toujours un peu compliqué au début, mais allez ça va passer.
Ce qui me met un peu (beaucoup) en colère en fait, c’est l’argument du « Comment on explique ce genre d’images [vues dans la pub donc] à des enfants ? ». C’est quand même grave de croire que ce serait « mal » d’expliquer ce qu’est le sexe féminin. Voire même, ce qu’est le sexe tout court. Plutôt que de bourrer la tête des gosses d’histoires de princes charmants et de princesses, de bébés qui naissent dans les choux, ou même que le bleu c’est pour les garçons et le rose pour les filles (ça n’a rien à voir mais je voulais quand même le placer), on pourrait peut-être envisager de leur dire la vérité, non ?
Cette absence de communication est à l’origine de la reproduction continue des tabous autour de la sexualité (et de bien d’autres sujets en fait). Ce dont un enfant a besoin ce ne sont pas de non-dits mais bien de réponses. S’il ne les trouve pas chez les personnes en qui il est censé avoir le plus confiance, il ira les chercher ailleurs. Et face à la multitude d’informations, parfois fausses, parfois complexes, comment faire pour se construire sainement ? Cet accompagnement, c’est le travail de l’école, de la famille, des parents, des proches de l’enfant. C’est juste dommage qu’on doive attendre une pub de serviettes hygiéniques pour se poser ce genre de questions.
Depuis des siècles, la sexualité est un sujet tabou. Et si je respecte évidemment la pudeur de chacun quant à son intimité, il me semble essentiel d’apprendre à parler ouvertement de ce sujet. Sans gêne mais avec sérénité et complétude. Parler de sexualité, c’est aussi et surtout, apprendre dès le plus jeune âge la connaissance et le respect de son corps, en ce compris une notion indissociable de notre intimité : le consentement.
Alors, à bas les tabous ! Aimez vos corps, célébrez vos sexes. Parce que vous le valez bien. Ah oui et au fait, les serviettes lavables c’est vachement mieux pour la santé de la planète (et pour celle de notre vagin aussi). Bise sur vos… fronts.