Le consentement, ce pauvre incompris

6 novembre 2018. C’est le procès d’un homme accusé d’avoir violé une jeune fille de 17 ans. « Vous devez voir la manière dont elle était habillée. Elle portait un string en dentelle ». Oui vous avez bien lu. C’est ainsi que son avocate a choisi de plaider sa défense. Et vous savez quoi ? Ça a fonctionné, puisque la Justice irlandaise a finalement déclaré l’accusé non-coupable. Beh oui, pauvre bougre victime de la provocation d’un string en dentelle… Bienvenue en … 2018 c’est ça ? Donc même à notre époque, il y a encore des gens qui ne comprennent pas qu’un viol est un viol et qu’il n’existe aucune circonstance atténuante ?

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#ThisIsNotConsent

Écœurant. C’est le mot qui me vient à l’esprit. Et injustice aussi. La députée irlandaise Ruth Coppinger a partagé ces mêmes sentiments, et c’est un string en dentelle qu’elle a brandi au Parlement pour dénoncer cette décision de justice qui aura blâmé un petit bout de tissu plutôt que le vrai coupable. Petit à petit, cette affaire a (heureusement) créé une indignation générale, au-delà des frontières irlandaises. Ce qui explique pourquoi vous avez certainement assisté à une invasion de strings en dentelle sur les réseaux sociaux, avec le hashtag #ThisIsNotConsent (#CeciNestPasUnConsentement pour la version française, ça donne moins bien mais l’idée est là).

 

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Que ce soit de la lingerie ou toute autre pièce d’un dressing féminin, ça ne fait pas office de consentement. CONSENTEMENT. Le mot est lâché. Peu importe la manière dont j’ai décidé de couvrir ou de découvrir mon corps, ce n’est pas une invitation au sexe. Vous savez, personnellement j’aime porter un joli décolleté, et des mini-jupes, et parfois même j’aime ne pas porter de soutien-gorge, laissant ainsi « pointer le bout de mon indécence ». Et puis je porte des strings en dentelle aussi, j’adore la lingerie. Et vous voyez, tout ça, tout ce que je porte, c’est toujours pour moi. Parfois pour attirer le regard, c’est vrai. Mais jamais pour être prise comme acquise.

Elle est là la nuance. Une femme ne s’habille pas dans l’optique de plaire à tout prix. Et quand bien même, ce n’est pas parce qu’une femme choisit d’être sexy, ni même parce qu’elle décide de séduire, qu’elle donne forcément son autorisation pour terminer dans les bras d’un homme à la fin de la soirée (ou d’une femme, mais ici les différences de comportements entre les sexes comptent et, même si je ne souhaite pas faire de généralités, statistiquement il y a bien plus d’hommes qui sont agresseurs. Mais je reviendrai à ces considérations de genres un peu plus loin). Le fait est que même un baiser ne fait pas office de « contrat » et quoi qu’il se soit passé, une femme a le droit de dire non à tout moment. C’est important de le répéter pour que ça rentre (dans la tête, et pas autre part justement).

Ne pas confondre victime et coupable.

Vous voyez, c’est ça le problème. Le fait d’attribuer la responsabilité d’un viol à un vêtement ou à tout autre élément extérieur, c’est en enlever un peu au violeur. On culpabilise la femme comme pour atténuer la gravité du crime. « Oh elle l’a un peu cherché », « Nan mais après tout, fallait pas s’habiller de manière aussi provocante ». Des phrases de ce genre, je suis sûre que vous en avez déjà entendues. A en croire certain(e)s, les femmes devraient observer quelques règles simples de prévention pour éviter toute agression sexuelle. Beh oui voyons, en restant discrètes, en ne trainant pas dans les boites de nuit et en ne parlant pas aux inconnus, on prend moins de risques c’est ça ? Ah beh plus facile encore que d’éviter d’attraper un rhume dis-donc ! Non évidemment, c’est pas comme ça que ça fonctionne. Chaque femme est susceptible d’être un jour victime d’une agression sexuelle. Malheureusement. On ne reconnait pas un violeur et le contexte qui précède un viol est souvent bien loin de celui qu’on imagine.

Dans de nombreux cas (si pas la majorité, mais comme je n’ai pas les chiffres exacts, je préfère ne rien affirmer), l’agresseur est un proche de la victime, loin de l’image de l’inconnu tapi dans l’ombre d’une ruelle mal éclairée. Et puis, le viol conjugal, on en parle ? Vous vous souvenez de cette histoire avec Fun Radio qui avait fait un sondage sur un mec qui réveillait sa copine en pleine nuit pour faire l’amour ? Bon déjà j’avais été sidérée par le truc de base mais quand j’ai entendu les propos tenus par les chroniqueurs de TPMP, ça m’a troué le c…erveau (j’essaie de rester polie, ma maman lit mes articles). Je vous laisse juger ça par vous-mêmes (lire l’article ici) mais le fait est que ça nous montre à quel point le viol reste un sujet tabou, méconnu et empreint de préjugés nauséabonds. Quelle que soit la situation, chacun.e d’entre nous a le droit de dire « non » et ce « non » a l’obligation d’être respecté.

Pas merci à la culture du viol.

Tout ça nous amène à évoquer un sujet plus vaste, celui de la culture du viol. Ça ne vous dit rien ? Laissez-moi vous éclairer, je suis sûre que vous allez très vite comprendre. En fait, elle représente tout ce qui dans la société va, au travers des médias notamment, justifier voire banaliser les violences sexuelles.

On en a parlé plus haut, culpabiliser les victimes d’une agression sexuelle en attribuant une quelconque responsabilité à leurs vêtements, leur apparence ou leur attitude, beh ça fait précisément partie de cette culture du viol. Pareil quand une femme se fait traiter de « salope » parce qu’elle a une vie sexuelle active ou parce qu’elle porte une robe moulante rouge (en fait ça s’appelle du slut-shaming et j’en avais déjà parlé dans cet article).

Ce qui est dérangeant avec cette vision où la femme serait un peu responsable de son agression, c’est qu’elle renvoie indirectement à une théorie acceptée par beaucoup (trop) de gens. Une énorme idée reçue selon laquelle les hommes seraient soumis à de fortes pulsions sexuelles, difficiles pour eux à réprimer. Alors de un, c’est pas super cool (voire même insultant) pour les mecs, on les assimile quand même tous à des animaux en rut, incapables de contenir la moindre petite excitation sexuelle et trop rustres pour faire preuve de discernement. Et de deux, beh c’est faux. Nous aussi on a des envies et des besoins, et nous aussi on a une imagination débordante en matière de fantasmes. Mais je crois sincèrement que c’est possible de réfréner ses « pulsions » et désirs, aussi bien pour une femme que pour un homme. D’aucuns parleront aussi de « malentendus » quand la femme n’exprime pas verbalement son malaise, l’homme foncerait tête et slip baissés. Et si une fragile opposition se fait sentir, on se dira qu’elle a dit « non » mais qu’elle pensait « oui » (comme c’est pratique).

Autant de considérations qui excusent l’agression ou du moins en allègent la gravité. Autant de considérations dans lesquelles je vois encore et toujours les mêmes stéréotypes de genre. Ces rôles archaïques dans lesquels on associe l’homme à la domination, à l’action et la femme à la passivité et à la soumission. C’est ce qu’on nous apprend, souvent inconsciemment, c’est ce qui trotte dans le fond de nos esprits. Cessons de renforcer encore et encore cette culture dans laquelle l’homme est un chasseur et les femmes ses potentielles proies.

Je crois que si on veut changer les choses, faire évoluer les mentalités et surtout vivre en harmonie, hommes et femmes, sans crainte ni mauvais jugement de l’autre, il faut qu’on le fasse ensemble. Moi je connais une majorité d’hommes respectueux et féministes, en ce sens qu’ils déplorent autant que moi les inégalités et les injustices liées au fait d’être une femme. En ce qu’ils sont conscients que le viol est inexcusable. Et je sais que vous êtes nombreux à être ainsi. Montrez aux femmes qu’elles ne sont pas les seules à porter ce combat mais qu’il vous concerne aussi.

Car le féminisme ne se résume pas à une revendication de justice, parfois rageuse, ni à telle ou telle manifestation scandaleuse ; c’est aussi à la promesse, ou du moins l’espoir, d’un monde différent et qui pourrait être meilleur.

Benoîte Groult (Ainsi soit-elle)

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