Être une femme, ce combat du quotidien

féminisme

nom masculin (latin femina, femme)

  • Mouvement militant pour l’amélioration et l’extension du rôle et des droits des femmes dans la société.
  • Attitude de quelqu’un qui vise à étendre ce rôle et ces droits des femmes.

Source : Larousse

Le féminisme change, évolue. Selon les endroits et les époques. On l’associe inévitablement à la lutte pour l’extension des droits des femmes, et ce à juste titre. Lutte pour que les femmes aient les mêmes droits et les mêmes chances que les hommes. Basique (à tel point que je ne comprends pas pourquoi un mot existe pour ça, étant donné que vouloir l’égalité, c’est juste logique. Mais soit). Cependant, la définition ne prend pas en compte le combat que chaque femme doit mener au quotidien. D’ailleurs, je suis persuadée que certains d’entre vous ont envie de sourire quand je parle de « combat », en se disant que c’est excessif, qu’il faut pas exagérer non plus. Et pourtant, c’est une réalité. Il y a quelques temps, j’écrivais un article sur le sexisme d’aujourd’hui (à lire ici). Et, à vrai dire, je crois qu’un article seul ne m’aurait pas suffit pour exprimer tout ce que j’aimerais dire sur ce sujet. Mais justement, ce dernier est dans toutes les bouches en ce moment (sans aucun sous-entendus graveleux pour une fois). L’occasion pour moi de revenir sur un phénomène qui, bien qu’existant depuis la nuit des temps, semble apparaître au grand jour pour certains. J’ai nommé le HARCÈLEMENT.

* * *

« J’fais repérage de porcs sur les réseaux »

#metoo #balancetonporc … A moins que vous soyez restés cloîtrés dans une grotte durant ces derniers jours, ces hashtags, vous avez inévitablement dû les apercevoir un peu partout, et notamment sur les réseaux sociaux. J’ai envie de dire, malheureusement. Malheureusement, parce que ça signifie que des tas de femmes subissent comportements sexistes et harcèlements en tout genre au quotidien. Mais heureusement aussi. Oui heureusement, parce que la parole autour de ces actes se libère, et ça c’est plutôt une bonne chose en fait. Ce mouvement, lancé en réponse aux révélations sur le producteur américain Harvey Weinstein accusé de violences sexuelles par de nombreuses actrices, s’est d’abord initié sur Twitter avant de se répendre sur toutes les plateformes. Et à partir de là, je crois pouvoir dire que chaque femme ayant pris connaissance de ce mouvement, ou en tout cas une majorité, a pu y trouver un écho dans sa propre vie. Du jour au lendemain, ce tabou autour du harcèlement sexuel a progressivement été levé, faisant ainsi prendre conscience, surtout à tous ceux qui semblaient l’ignorer, de l’ampleur de ce phénomène si dégradant, si humiliant, si injuste, et pourtant si commun.

Non, ce n’est pas un compliment.

Un phénomène commun oui. Demandez à vos amies, vos sœurs, vos mères, vos filles ou n’importe quelle femme qui vous entoure. Demandez-leur. Chacune vous dira qu’elle a déjà dû, au moins une fois dans sa vie, supporter un regard insistant sur sa poitrine, ou faire semblant d’ignorer ce sifflement, ce bruit de klaxon qui semblent fendre l’air comme si c’était le seul son que ses oreilles pouvaient percevoir, ou accélérer le pas après avoir entendu cette remarque déplacée sortir du fond de cette ruelle mal éclairée, ou devoir retenir sa respiration pour supporter ce corps chaud qui essaie de se coller au sien dans un métro bondé, ou encore devoir essuyer une flopée d’insultes pour avoir osé dire « non ». Et encore, je ne cite que quelques exemples de comportements s’apparentant à du harcèlement, mais les formes que le sexisme peut revêtir sont multiples et, bien souvent, si insidieuses qu’on arrive à peine à les identifier comme tel.

Donc oui, c’est un fait. Toutes les femmes ont dû, à une ou plusieurs reprises (peu importe finalement, une fois c’est déjà de trop), subir les regards, les remarques voire les gestes déplacés d’un membre de la gent masculine. Toutes peuvent dire ce fameux « moi aussi ». Et moi aussi. Forcément. Pour tout vous dire, des anecdotes sur ce type de comportement sexiste, je pourrais vous en conter des centaines. Mais je vais en choisir une seule. Une qui se détache quelque peu des traditionnels ouvriers de la voirie qui vous hèlent quand vous passez devant eux (attention je ne généralise pas, il y en a qui sont consciencieux et respectueux évidemment, c’est juste que c’est jamais ceux-là qu’on croise). Une anecdote qui date d’il y a quelques mois, et dont j’ai voulu parler sur ce blog, avant de me dire que ça allait paraître ridicule de monter ça en épingle. J’avais tort. Alors je le fais maintenant. Et pour ça, je vous demande d’imaginer une soirée avec beaucoup de personnes – des personnalités politiques notamment. Imaginez également un homme, d’un âge certain. Je venais de le rencontrer depuis à peine une dizaine de minutes, et je le voyais là, debout en face de moi, me dévorant des yeux. Puis après quelques minutes, il s’est approché de moi et, sans une once d’hésitation, m’a susurré à l’oreille « Che bella ragazza… Tu as déjà fait l’amour ? Parce que moi j‘aimerais te faire l’amour. J’aimerais te faire plein de choses« , regrettant de « ne pas avoir 20 ans de moins » alors que manifestement, même avec 20 ans de moins, il aurait toujours plus du double de mon âge et certainement aussi peu de chances de me séduire avec cette approche. Vous savez, rares sont les moments où je ne sais quoi dire, mais là vraiment, l’unique réaction que j’ai pu avoir face à cette percée inattendue dans mon intimité (permettez-moi l’expression), c’est un rire gêné on ne peut plus surjoué, traduisant du malaise que j’étais en train de vivre. Et parmi ce flot de mots dont il m’a assaillie, je n’ai pu y voir aucun compliment, aucune source de gentillesse. Parce qu’en fait, être traitée comme un objet, jugée et appréciée sur le seul critère de son apparence, ce n’est ni flatteur ni valorisant. Non. C’est juste insultant. Mais attendez, ce n’est pas le pire. Quelques instants après cette déclaration parfaitement inappropriée, il est revenu vers moi et s’est approché, une fois de plus. C’est à ce moment que j’ai senti sa main dans mon dos, une main qui est descendue, lentement, jusqu’à effleurer mes fesses. J’ai retenu mon souffle et tenté de garder mon calme. Parfois je regrette de l’avoir gardé, me disant que j’aurais dû faire un scandale. Je répète toujours que si un homme a un geste déplacé envers moi (un geste non consenti donc), il se ramasse une gifle sur le champ. Et pourtant là, j’ai juste remonté sa main jusqu’à mon dos en souriant poliment. Comme si j’étais impuissante, paralysée, moi qui suis d’habitude si explosive, si impulsive, si franche. Alors, voilà comment on se sent.  Agressée, salie par les regards insistants, le verbe lourd et les gestes inappropriés de ces mâles qui se veulent dominants.

« I do not ever want to feel this way. It never feels like a choice; it just always feels like another day. 
I do not want your glances. 
I do not want your terrible remarks. 
I do not want you to tell me what you’d like to do to me. 
I don’t want you to lick your lips as you look me up and down. 
I do not want you to shine a flashlight in my direction as you talk about different parts of my body. 
I do not…and they do not. »

Sophia Bush

Non, ce n’est pas de notre faute.

Vous savez quoi ? Dans cette histoire, je ne sais même pas ce qui me donne le plus envie de vomir. Ce genre de comportements ou la réaction que peuvent avoir certaines personnes qui y assistent ou à qui vous le racontez. Mais je vais vous épargner les réflexions graveleuses que j’ai pu entendre, ces mêmes réflexions entrecoupées de ces rires qui vous persuadent que « faut pas mal le prendre, y a pas mort d’homme après tout. T’exagères !« . Oui c’est moi qui exagère, c’est évident. En fait, il est là le problème. On finit toujours par incriminer les femmes. Comme si nous étions responsables des agressions que l’on subit. Beh oui t’as mis un décolleté/un pantalon moulant/une mini jupe/des talons… Non clairement tu l’as cherché… C’est un débat qui revient très souvent. Trop souvent. Alors que, fondamentalement, en quoi peut-on se permettre de juger une personne, ou pire ses intentions et ses volontés, à partir de la manière dont elle s’habille ? Mon corps, ma vie, mes choix. Je fais ce que j’ai envie de faire, point. Faut arrêter de croire que dévoiler et assumer son corps signifie qu’on veut que chaque homme nous déshabille. Stop. Et puis c’est quoi cette excuse? Donc en tant que femme, on doit faire attention de ne pas réveiller les pulsions des hommes, en évitant de les « provoquer » par n’importe quel infime « signe » qu’ils pourraient interpréter comme une invitation ? J’en rigolerais tant c’est ridicule, si ce n’était pas en même temps complètement révoltant. Vous voulez un scoop? Nous aussi on a des pulsions, des envies, des fantasmes. Mais si je vois un homme super sexy faire un jogging torse nu avec un petit short qui moule merveilleusement ses fesses rebondies, dois-je en conclure qu’il cherche à provoquer les personnes autour de lui et que donc si quelqu’un le touche ou tente de l’agresser, il l’aura « un peu cherché » ? (Si vous avez du mal à imaginer cette situation, c’est précisément parce que ça arrive rarement qu’une femme ait ce genre de réaction, on va pas se mentir). Alors une bonne fois pour toutes, soyons clairs : peu importe que j’aime m’habiller de façon à me sentir sexy, peu importe que je parle ouvertement de sexe, peu importe que je me comporte d’une manière qui peut être considérée comme « provocante ». Oui peu importe. Parce que ça ne justifiera jamais le harcèlement, voire l’agression sexuelle. Jamais.

Donc non, on n’exagère pas.

Ce qui me sidère, c’est qu’encore aujourd’hui, au delà du fait que le sexisme est toujours présent dans notre société, il y a cette tendance à considérer chacune de nos plaintes comme quelque chose d’exagéré, comme si on en faisait toujours des caisses pour rien, alors que « basiquement on a déjà assez de droits ». Alors on nous considère comme des extrémistes, des féminazis. Et beh désolée de voir le sexisme là où vous, vous ne le voyez plus, tellement il vous semble normal. Alors oui, plus j’avance, moins je supporte ce sexisme banalisé et plus j’ai besoin de le dire, de le dénoncer. Aujourd’hui encore, on n’hésite pas à dire à une femme comment elle doit se comporter, comment elle doit penser, comment elle doit parler, comment elle doit être une femme en somme (et ça c’est valable pour les hommes, eux aussi doivent faire face à un ensemble de stéréotypes et de rôles prédéfinis). Et ça je peux pas l’accepter. Je peux pas me soumettre. Je peux pas me taire. Et j’ai pas envie de m’excuser pour ça en fait.

« Je n’ai jamais été capable de définir précisément ce que voulait dire le féminisme : je sais seulement qu’on me désigne comme féministe chaque fois que j’exprime des sentiments qui me différencie d’un paillasson« 

Rebecca West

Avant de conclure, j’aimerais dire qu’avec cet article, je ne cherche pas à donner des leçons. Je veux juste témoigner en tant que femme. Mettre des mots sur ce qu’on peut vivre dans notre quotidien, sur la honte et la culpabilité qu’on peut parfois ressentir, à tort. Je n’ai pas de solution pour changer les choses si ce n’est d’apprendre aux enfants, et ce dès leur plus jeune âge, que les hommes et les femmes sont égaux, et surtout qu’ils sont libres. Libres d’être ce qu’ils veulent être, sans devoir se soumettre à la pression de la société et de leurs pairs. Ça parait bête mais ce serait déjà un bon début. Parce que finalement, quand on parle de sexisme, on doit interroger une notion plus globale. Une notion qui transcende les incompréhensions, les conflits, les injustices dans les relations entre hommes et femmes. Une notion fondamentale. Celle du respect.

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